Une
journée sur la montagne de Geine
Neuf
heures, pont de Sénaris, au pied de la montagne de Geine. C'est là que
le rendez-vous a été donné. Et nous y sommes, nombreux, heureux de
la journée qui s'annonce magnifique.
Prête
à sillonner l'adret, à la recherche de connaissances géologiques,
botaniques ou autres, presque novice en ce qui concerne le milieu
provençal, je me réjouis de recueillir un maximum de renseignements
et tous feront farine au moulin de mes petits écrits et plus tard,
de mes souvenirs heureux.
Lorsque
notre marche commence, le soleil, levé aux aurores et en très grande forme, semble bien décidé à ne pas nous quitter d'un rayon
durant toute la randonnée.
Après
avoir eu à choisir entre la draye actuelle ou l'ancienne sente de
muletier, une première halte importante se présente sur La Grande
Terre : nous ferons, là, une rencontre inoubliable avec une jeune
femme éleveuse de brebis. Durant plusieurs dizaines de minutes,
elle nous expliquera, avec passion, son métier, sa vie sur Geine et
aux alentours, les dures contraintes d'une existence qui,
journellement doit naviguer entre les impondérables de l'élevage et
les « absurdités » d'une administration qui n'est ni
humaine ni surtout réaliste.
Nous
reprenons ensuite de petits chemins caillouteux pour arriver à
l'ancien lieu de vie de « Mirette ». Il n'y reste que
quelques ruines mais, oui, quelqu'un a bien vécu dans ce lieu isolé.
Les preuves jaillissent de part et d'autre de la sente : à l'endroit
le plus frais, un figuier volontaire continue à batailler pour rester maître des
broussailles qui ont repris leurs droits depuis de longues années.
Ici, le vieux tilleul familial n'offre plus ses fleurs sèches qu'au
ciel, là, un amandier fou, dans un dernier élan de sa tendresse
d'arbre, propose une multitude de fruits habillés de velours d'un
tendre vert grisâtre. Si cette vie oubliée enveloppe le groupe
d'une légère nostalgie, l'un des participants relance la gaieté
en racontant une anecdote concernant un chaton perdu par
« Mirette ». Les rires jaillissent et nous repartons.
Durant
toute notre montée, nous pouvons garder un oeil sur le Ventoux et, à
chacune de nos étapes, je découvre un peu plus ce corps de pierre
étiré à travers le Vaucluse comme un énorme reptile immobile qui
se chauffe au soleil ou se rafraîchit le ventre dans le Toulourenc. Jamais je ne l'avais imaginé aussi long.
De
sente en sente, de caillasse en pré jauni, nous atteignons enfin une
jolie chênaie qui s'ouvre sur la Plana, immense prairie ceinturée
de chênes blancs et de genévriers.
Après
le pique-nique, une petite sieste ne se refuse pas. Qui serait assez
fou pour ne pas apprécier ce repos proposé au cœur de la nature ?
Personne, et pour preuve : les corps gisent, étendus, qui entre deux
lavandes, qui sur des touffes de thym, sac à dos en guise
d'oreiller. Ce contact avec la terre-mère est bénéfique pour
régénérer les forces.
Ce
sera ensuite un délicieux moment de lecture. Assis en cercle, à
l'ombre d'un chêne ridé de ses racines aux dernières ramilles,
bien plus silencieux que les cigales, nous écoutons : notre lectrice
nous a choisi quelques passages du livre « La Montagne aux
Oublis » de Jean-Louis
Marçot. Sa voix nette, juste, a trouvé un rythme parfait pour nous
emmener à la rencontre du souvenir de ceux qui, voilà des
décennies, habitèrent cette montagne dure, sans concession et qu'il
fallait mériter au prix de toute une vie de labeur intense.
Les
traces de leurs vies ? Nous les découvrirons au fur et à mesure de
notre marche de l'après-midi : ici, les restes d'un mur en pierres
sèches, là quelques tuiles brisées ayant servi de canalisation,
plus loin encore l'ouverture d'une bergerie devenue imaginaire et
qui ne protège plus que des rosiers sauvages ou des amélanchiers.
Toute
ces vies envolées planent maintenant aux flancs de la montagne de
Geine qui, depuis longtemps, n'accepte plus, comme compagnons de
route, que le mistral, le soleil et l'éleveuse de brebis.Un champ de chardons bleus... |
...nous accueille à l'entrée de "La Grande Terre" |
Quelques belles rencontres
Le genévrier de Phénicie |
Une carline ébouriffée par les doigts du soleil |
Nectare de lavande ? Allez ! Un dernier coup avant de reprendre la route |
Plant de lavande sauvage |
"J'avais prévu un déguisement parfait mais ... " |
"Viens sur mon épaule, nous ferons la route ensemble" |
??? |
Ici, chaque jour ...
Ici, chaque jour, vie et mort s'enlacent en un grand chant d'amour |
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